Les tests de flexion sont utilisés depuis des décennies dans la détection de boiterie ou encore lors de visites d’achat. Oui, oui, j’ai bien dit des décennies car la première fois qu’un test de flexion a été mentionné (et que l’on a une trace de sa mention) c’était en 1923 ! Ce n’est donc pas tout récent.
Qu’est-ce-qu’un test de flexion ?

Le test de flexion consiste à fléchir une articulation avec une force variable, pendant une durée variable, puis de la relâcher subitement et de faire trotter le cheval en ligne droite sur sol dur afin de voir si une boiterie apparaît. J’ai en effet noté « une force variable » et « une durée variable » car les chercheurs utilisent des forces allant de 150 à 300 N et des durées allant de 5s jusqu’à 3 minutes.
Ces tests, utilisés couramment, sont donc très controversés à cause du manque de contrôle. En effet, la force que le praticien met lors de la flexion, la position complète du membre fléchit ou encore la durée de la flexion pourrait modifier la réponse de boiterie. Il serait d’ailleurs préconisé qu’un test de flexion lors d’une visite d’achat dure 3 min par flexion avec une force exercée de 150 N (Verschooten, 1990). Mais encore faut-il que le vétérinaire pratiquant le test ait conscience de sa force. Il existe d’ailleurs des outils pour mesurer cette force mais, pour ma part, je n’ai jamais vu de véto qui en utilisait.
Dans cet article, nous allons donc voir ce que nous dit la science à ce sujet, et quelles seraient les alternatives possibles aux tests de flexion. Les outils comme Alogo, Equisym de Arioneo (etc.) qui sont vendus comme aide pour détecter la symétrie du cheval sont-ils vraiment fiables ?
Test de flexion du boulet
La première étude que je vous ai trouvée sur le sujet, et que j’ai jugée utile pour cet article, date de 1997. Autant vous dire que cela fait un moment (plus de 25 ans) qu’on se demande si ces tests sont vraiment utiles, ou non. Cette étude s’est concentrée seulement sur l’articulation métacarpo-phalangienne (autrement dit, le boulet – mais oui, mettre un terme scientifique de temps en temps, ça fait classe).
Verschooten et son collègue ont donc testé plusieurs forces exercées (100 ou 150 N) avec des durées différentes (1, 2 ou 3 minutes) afin de voir comment cela impactait le résultat d’un test de flexion du boulet. Pour cette étude, ils ont utilisé l’outil « Flextest » afin de s’assurer que la force exercée lors du test était la bonne.
Si, comme moi, vous n’avez aucune idée de ce que représente un Newton, alors voici une conversion en kilo, qui fera probablement bondir les physiciens mais ça permet d’avoir une idée : 100 N = une force exercée d’environ 10 kg, 150 N = une force exercée d’environ 15kg.
Voici comment s’est déroulée l’étude :
Les chercheurs ont sélectionné 63 chevaux jugés sains et non boiteux. Ils les ont catégorisés en fonction de leur travail.
1. 19 Chevaux au box, rarement travaillés
2. 20 Chevaux au box, travaillés 1h par jour tous les jours
3. 12 Chevaux au pré travaillés 1h par jour tous les jours
4. 12 Chevaux au pré, non travaillés
Ensuite, les chercheurs ont:
- Réalisé les différents tests de flexion
- Observé les chevaux trotter sur sol dur en ligne droite sur 30 m (un aller-retour, soit 60 m de trot au total).
- Répertorié la/les boiterie(s) comme telles :
- Quelques foulées de boiterie : jugé comme un test négatif
- Boiterie sur 15-30 m = boiterie légère à modérée
- Boiterie sur 30-60 m = boiterie modérée à sévère
- Cheval ne posant pas le membre fléchit puis boiterie persistante après quelques foulées = boiterie sévère.
Voici ce qu’ils ont trouvé :

Comme on peut le voir sur les tableaux, plus la durée du test est longue et plus la force exercée est élevée. De ce fait, plus il y a de risques à ce que le cheval réagisse positivement au test. Avec une force de 100 N pendant une ou deux minutes, les chevaux ne travaillant pas, ou presque pas, étaient toujours négatifs aux tests alors qu’à 150 N, ils devenaient positifs. On peut également voir, que l’âge du cheval a un impact sur la réponse au test de flexion. Avec une force de 100N pendant une minute, les chevaux âgés de 2,5 à 3ans, n’ont eu aucun test positif.

Lors du test de flexion, les chercheurs ont également mesuré l’angle du boulet. Cela leur a permis de comparer l’angle lorsque les vétérinaires exerçaient une force de 100 N ou 150 N. En moyenne, lorsqu’ils exercé 100 N, le boulet avait un angle de flexion de 115°± 9° pour le boulet antérieur gauche et de 114 °±9° pour le boulet antérieur droit. Lorsqu’ils exerçaient 150 N, l’angle augmentait de 3° et 4° respectivement.
Dans cette étude, les scientifiques ont mesuré un autre paramètre. Ils ont demandé à 30 élèves vétérinaires (22 hommes et 8 femmes) de faire un test de flexion. Les chercheurs ont mesuré la force exercée, mais les élève ne voyait pas le résultat. En moyenne, les hommes ont exercé une force de 131 ± 58 N et les femmes, une force de 190 ± 62 N (comme quoi, une femme n’a pas toujours moins de force qu’un homme). Au total, les forces enregistrées ont varié de 25 N à 280 N ! Ce test nous montre bien à quel point la force diverge d’une personne à l’autre.
Leur conclusion ?
Sans outil pour vérifier la force exercée, un test de flexion est un moyen non fiable pour diagnostiquer une articulation saine ou non. L’âge du cheval, son mode de vie et sa fréquence de travail impacteront les résultats. En 1997, une autre recherche a trouvé les mêmes résultats (Keg et al).
Ma réflexion :
On peut donc aussi se demander, lors d’une visite d’achat, si le fait de mettre le cheval au repos une semaine avant la visite peut impacter les résultats des tests de flexion et donc de la visite. Une autre étude (C. M. KEARNEY et al, 2010) a également mis en avant le fait qu’un test de flexion positif au niveau du boulet était surtout lié aux structures proximales au boulet (au-dessus), ce qui voudrait dire que si ce sont les structures distales au boulet (en dessous) qui sont touchées, le test aurait donc très peu d’impact.