Les douleurs ovariennes chez la jument sont un problème fréquent, très souvent ignoré. Qui n’a pas déjà entendu: « de toute façon c’est une pisseuse ». Alors qu’en réalité la jument souffre et nous ne tenons pas compte du message qu’elle veut nous faire passer.
Pourquoi les juments peuvent-elles avoir mal pendant leur chaleur ?
La saison des naissances bat son plein et c’est le moment idéal pour parler des soucis ovariens de nos juments !
« Les juments c’est compliqué, il faut faire avec leur caractère, tu as de la chance d’avoir un hongre au moins il est calme » !
« Ma jument plaque les oreilles en arrière dès qu’un autre passe devant son box, elle n’aime personne c’est son caractère ! »
« Tu as vu comment elle saute en l’air après les obstacles ? Elle adore ça ! »
Ces phrases, vous les avez certainement déjà entendues dans les écuries.
En fait, la réponse peut être assez évidente mais trop peu prise en considération… Les juments, comme les femmes, ont des ovaires et ont donc un cycle ovarien. Lors des chaleurs, certaines d’entre elles ont des douleurs qui remontent dans le dos. Donc quand une jument « saute de joie » après un obstacle, ce n’est en réalité souvent pas de la joie mais de la douleur… De la même façon qu’un hongre peut le faire lorsqu’il a une dorsalgie.
Petit point sur l’anatomie de l’appareil génital de la jument :
Les ovaires ne flottent pas dans le corps de la jument. lIs sont retenus par un ligament reliant la voûte lombaire (environ de la 3ème ou 4ème vertèbre lombaire jusqu’à la 4ème vertèbre sacrale). De ce fait, lorsque la jument ovule, l’ovaire est tiré vers le bas avec le poids de l’ovule ce qui peut créer des douleurs aux lombaires (dorsalgies, rétive au travail, signes de coliques, boiteries…). Afin de mieux comprendre ces douleurs ovariennes, il faut aussi se pencher sur le cycle ovarien de la jument (qui s’apparente clairement aux cycles menstruels des femmes mais sans les règles)
Ce qu’il faut savoir sur le cycle ovarien de la jument :
- Il s’interrompt généralement pendant la période hivernale, lorsque la luminosité naturelle est la plus faible (c’est la photopériode).
- La lumière ayant une grosse influence sur le cycle œstral (les chaleurs). Les juments vivant en box ont 50 % plus de chances d’être en chaleur l’hiver. Ceci est dû à l’éclairage artificiel. 16h de lumière journalière sont nécessaires à la jument pour entrer en phase œstrale et pouliner plus tôt dans l’année. Ces techniques de lumières artificielles sont très utilisées dans le milieu des courses.
- La phase œstrale (chaleurs) dure en général 3 semaines soit 21 jours
- Durant les 15 premiers jours, un ovule est créé dans un des follicules. Il est ensuite libéré lorsqu’il atteint environ 5 cm. Il part alors dans l’utérus. S’il n’y a pas de fécondation dans les 5 jours suivant, un nouveau cycle reprend.
- Les premières chaleurs de la jument apparaissent entre 12 et 18 mois. Il y a bien sûr des exceptions. En effet il arrive que certaines juments aient leurs premières chaleurs avant 1 an.
Les soucis ovariens sont notamment dus au poids de l’ovule. Celui-ci peut atteindre les 4 Kg ! C’est rare qu’il soit aussi lourd et cela cache généralement une tumeur ! Voilà ce qui explique que certaines juments aient un peu (beaucoup) mal au dos durant leurs chaleurs.Les troubles ovariens peuvent également être détectés lors de la mise bas ou lors d’une boiterie. Grâce à des examens plus approfondis de la boiterie, le vétérinaire occulte les ovaires et c’est à ce moment-là qu’ils font le lien.
Les « fausses chaleurs » chez la jument
À la base, la jument pisseuse était celle qui était toujours en chaleur. Oui, genre tous les 3 jours, elle présentait des comportement de chaleur. Cela s’appelle l’hyperoestrus. L’hyperoestrus veut simplement dire que la jument semble être plus souvent en chaleur ou qu’elle a des chaleurs qui durent plus longtemps. Mais il peut y avoir, ce qu’on appelle l’hyperœstrus sans activité ovarienne. C’est une condition dans laquelle la jument présente des signes de chaleurs fréquentes et prolongées, mais sans ovulation ni maturité de follicule. Autrement dit, bien que la jument montre des comportements typiques du cycle reproducteur, il n’y a pas de libération d’œufs ou d’ovulation. Les chercheurs se sont bien sûr questionné sur ce comportement et ils pensent qu’il est lié à un dérèglement hormonal, notamment un niveau d’œstrogènes anormalement élevé, ou encore à un trouble de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien.
Voilà maintenant vous en savez un petit plus sur les douleurs ovariennes chez la jument !
Comment aider la jument ovarienne ?
« Elle a un caractère de jument, ce sont les ovaires je le sais ! »
Saviez-vous également que d’après une étude, un hongre et une jument n’ont que très peu de différence au niveau du caractère ? Je vous laisse retrouver les infos ici.
Mais ce n’est pas tout !! Lors d’une étude récente, les chercheurs ont pris un panel de 2914 jument. Ils leur ont fait des prise de sang afin de détecter un potentiel déséquilibre hormonal. Toutes les juments étaient soupçonnées d’avoir un sale caractère à cause d’un déséquilibre ovarien.
Qu’ont-il trouvé ?
86% des juments ne présentaient aucun déséquilibres des hormones testées (testosterone, anti-Müllerian hormone (AMH), inhibins and inhibin-B). Seules les juments qui avait un caractère ressemblant à celui d’un étalon, avaient toutes ces hormones plus élevées que la norme.
Être sûr de la cause
Il faut donc se rappeler que chez la jument, on a vite tendance à dire que c’est la faute des ovaires, alors que le problème vient d’ailleurs. En effet, de l’arthrose au niveau des lombaires peut présenter les mêmes symptômes qu’un problème ovarien. Des ulcères gastriques ou du colon peuvent également engendrer des réactions similaires. D’ailleurs, lorsqu’on a supprimer ces pistes, on remet directement la faute sur les ovaires. Mais on oublie qu’il y a d’autres partie du système reproducteur de la jument qui peuvent aussi être atteint ! C’est ce qui se passe en cas d’endométrite, je vous explique tout dans cet article.
Le massage
Grâce au massage, tu pourras relâcher les tensions musculaires dans la zone lombaire et du bassin. Ces tensions peuvent apparaitre avec des chaleurs douloureuses.
Dans la vidéo ci-dessous, Aurélie d’Horsea te montre comment masser une de ces zones. Il y a bien sûr plus de techniques possibles et elle t’explique tout cela en détail dans sa formation.
Les traitements
À ma connaissance, il n’y a pas d’étude sur les compléments et plantes qui soulagerait la jument ovarienne. En revanche, d’après ce qui a pu être testé sur le terrain, deux choses ressortent très souvent:
- Le gattilier
- Le mâcérat de framboisier
Il existe de nombreuses synergies présentent sur le marcher, le mieux est d’en tester et de voir ce qui convient à votre jument. Je déconseille toutes les synergies contenant du tryptophane, à ce jour, son utilisation chez le cheval est très controversée et il pourrait avoir l’effet inverse.
Le regumate pour traiter les douleurs ovariennes
Lorsqu’aucun complément alimentaire ne fonctionne, votre vétérinaire vous préconisera souvent du regumate. Ce médicament, modifie l’équilibre hormonal de la jument et cela la soulage. MAIS, il y a deux points très importants à se rappeler si vous utilisez ce médicament :
- L’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire met en avant que ce médicament peut également engendrer des troubles hormonaux chez l’humain qui m’administre. Il faut donc éviter tout contact avec la peau. Les femmes enceintes devraient éviter le contact avec ce médicament dès que possible. Le lien de l’article est juste ici.
- Des chercheurs ont observé que lorsque ce médicament était donné à des juments non ovariennes, une diminution du stress était observée. Vous allez me dire, mais c’est génial ! Sauf que, jouer avec l’équilibre hormonal de la jument peut avoir des répercussions sur le long terme. Cela pourrait agir sur sa fertilité mais aussi sur la production ACTH. L’ACTH, si vous vous rappelez l’article sur le syndrome de Cushing, c’est une hormone sécrétée par l’hypothalamus. Le problème, c’est que nous n’avons pas assez de recul sur l’utilisation du Regumate sur le long terme.
En conclusion, soyez vraiment sûr de la cause de la douleur avant d’administrer des compléments. Le caractère de votre jument peut avoir de multiples causes, mais il peut aussi être lié à un stress. Peut-être qu’en donnant du regumate, ce n’est pas la modification du cycle ovarien de votre jument qui est modifié, mais simplement la diminution du stress. Cela reste vraiment une piste à rechercher.
Ma petite anecdote
Du jour au lendemain une jument devient rétive au travail, elle se met debout, se cabre, quelque chose ne va pas. Le vétérinaire réalise des examens. Le verdict ? La jument a une tumeur ovarienne de 22cm de diamètre !! 22 cm c’est plus gros qu’un ballon de foot !!!! La tumeur est enlevée, elle pesait 12kg !! Vous imaginez avoir cela vous tirer sur le dos et faire du sport avec ?? Imaginez-vous la place que cela prend est comment cela peut avoir un impact sur le système digestif ? Avant ce jour ou la jument est devenue rétive, elle n’a jamais montré aucun signe. Les chevaux sont vraiment résistants à la douleur, cela a d’ailleurs été prouvé dans une étude que je vous partage ici.
Article co-écrit avec Delphine Tavernier de Relax équin
Delphine TAVERNIER- Relax Equin
06 83 67 35 05
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Douleurs ovariennes chez la jument : les études
Fanny Herbet. 2023. Création d’un guide pratique pour le suivi folliculaire, l’insémination et le suivi de la période embryonnaire chez la jument
Technique d’élevage : Article
M. Kaps a, Anne Lutzer b, C. Gautier a, C. Nagel b, J. Aurich c, C. Aurich. 2022. Altrenogest treatment reduces the stress response of three-year-old warmblood mares during their initial equestrian training.
BRUYAS, JF.2017. Le Nouveau Praticien Vétérinaire – Équine Vol. 12, No. 44
Lauren Huggins, Jamie Norris, Alan Conley, Pouya Dini. 2023. Abnormal mare behaviour is rarely associated with changes in hormonal markers of granulosa cell tumours: A retrospective study
