Le syndrome de cushing touche de plus en plus de chevaux et poneys. Cela s’explique principalement par deux raisons :
1. Il est de plus en plus diagnostiqué.
2. Les chevaux vivent de plus en plus vieux et surtout, leurs propriétaires en prennent soin.
De ce fait, on entend beaucoup de choses sur ce syndrome, aussi bien au niveau du diagnostic que des traitements naturels ou médicamenteux. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a de nombreuses études sur le sujet, je vais donc pouvoir tout vous dire sur les causes et conséquences de ce syndrome, mais aussi sur le diagnostic et les traitements ! Pour l’anecdote, les premières traces écrites du syndrome de Cushing date de 1932 ! Il y a presque 100 ans en arrière !
Les causes du syndrome de Cushing
Le syndrome de Cushing est un syndrome endocrinien. C’est en effet l’hypophyse qui est touchée. Il touche environ 20-25% des chevaux âgés de plus de 15 ans. Il peut également toucher des chevaux plus jeunes, mais en général, ce sont les chevaux gériatriques qui sont atteints. Le syndrome de Cushing semble toucher toutes les races.
Comprenons l’hypophyse
Je vais essayer de simplifier au mieux cette partie d’anatomie/physiologie, mais elle est importante, car elle vous aidera pour comprendre les conséquences du syndrome de Cushing.
La partie antérieure de l’hypophyse s’appelle l’adénohypophyse. C’est elle qui produit des hormones. La production d’hormones est lancée grâce au système hypothalamo-hypophysaire. Dès lors que votre cheval subit un stress environnemental, physiologique, ou pathologique, ce système se met en place afin de soutenir l’organisme. C’est alors que l’hypophyse est tout particulièrement la partie appelée Pars Distalis, sécrète l’ACTH (hormone adrénocorticotrope). Une fois l’ACTH libérée, elle va à son tour demander la production et sécrétion de glucocorticoïdes. Ce nom vous est peut-être familier. Les glucocorticoïdes sont également un type d’hormone qui permettent le métabolisme des glucides, lipides et protéines. Mais ils ont aussi un rôle sur la thyroïde en réduisant sa production de TRH. Le TRH contrôle entre autres, la thermorégulation, le rythme cardiaque, le taux métabolique ainsi que la fonction neuromusculaire.
Maintenant, venons-en à la deuxième partie de l’adénohypophyse : le Pars Intermedia.
C’est une région où se trouve des récepteurs de dopamine. Elle est innervée directement par des neurones dopaminergiques qui eux produisent la dopamine. La dopamine est, elle, responsable de la transcription des POMC (pro-opiomélanocortine) qui eux, doivent ralentir la production d’ACTH lorsque le corps n’a plus besoin d’en produire.
Voilà, nous avons terminé cette petite partie d’anatomie et physiologie, il est donc temps que je vous explique pourquoi je vous ai raconté tout ça. Petit indice, en anglais, le syndrome de cushing s’appelle Pituary Pars Intermedia Dysfonction.
Le coupable du syndrome de Cushing
En 2022, Huang et ses collègues ont enfin pu déterminer ce qui entraînait le syndrome de Cushing. Celui-ci est engendré par le stress oxydatif. Oui, oui, celui dont je vous parle très régulièrement, car il est aussi la cause d’arthrose ou de lésions musculaires. Le stress oxydatif, sur le long terme, engendre une diminution de la dopamine. Comme le corps crée moins de dopamine, les récepteurs sur le Pars Intermedia ne servent plus. Par conséquent, petit à petit, ils s’atrophient, ou alors des micros ou macros tumeurs apparaissent. Comme les POMC ne sont plus produits, il n’y a plus personne pour arrêter la production d’ACTH. Le cheval se retrouve donc à produire plus d’ACTH qu’il en a besoin.
Il est souvent pensé que les chevaux atteint de Cushing ont un taux plus élevé de cortisol. Le cortisol est l’hormone de « stress » principale. C’est elle qui vous permet de faire face au stress et elle est libérée lorsque l’ACTH est libérée. Chez les chevaux atteints de Cushing, il semblerait que la majorité de la surproduction d’ACTH ne soit pas de l’ACTH actif. S’il n’est pas actif, il n’y a pas de sécrétion de cortisol.
Alors, cette partie ennuyeuse d’anatomie, n’était-elle pas utile ?
Les signes cliniques du syndrome de Cushing
Il existe de nombreux signes cliniques lorsqu’un cheval est atteint du syndrome de Cushing. Tous ne sont pas présents, il est donc important de les connaître. Il est également crucial de comprendre pourquoi ces signes cliniques apparaissent. En effet, cela vous aidera à gérer les symptômes du mieux possible et donc de pouvoir accompagner votre cheval du mieux possible.
Hypertrichose
Mais qu’est-ce donc que ça ?
L’hypertrichose est l’augmentation de la quantité de poils n’importe où sur le corps. Alors, vous allez me dire : « Pourtant, d’habitude, on parle d’hirsutisme ». Et je vais vous répondre : « Et bien oui, mais à tort !
« L’hirsutisme est le développement excessif du système pileux chez une femme, dû à une sécrétion exagérée d’hormones corticosurrénales. »
Définition du Petit Robert
Vous avez bien lu, l’hirsutisme ne concerne que les femmes ! Un cheval qui a Cushing a donc de l’hypertrichose.
Les chercheurs ne comprennent pas encore tout à fait pourquoi les chevaux atteints de Cushing deviennent plus poilus. Ils ont émis une hypothèse : cela a à voir avec TRH qui joue un rôle dans la production de chaleur corporelle. S’il y a moins de TRH, le cheval aura plus froid et donc il produit plus de poils pour se protéger. Quoi qu’il en soit, il semblerait que 69,9% des chevaux atteints de Cushing présentent de l’hypertricose (Ireland et al, 2018).
La léthargie et le syndrome de Cushing
Un cheval atteint du syndrome de Cushing aura moins d’énergie. Cela semblerait être, entre autres, lié à la baisse de dopamine. La dopamine est une molécule qui sert à faire passer des messages dans le corps. On la surnomme la « molécule du plaisir ». Donc si vous en avez moins dans le corps, vous êtes moins heureux et donc vous avez moins d’énergie. Une autre hypothèse concernant les chevaux développant de la fourbure : la douleur pourrait les rendre léthargiques.
L’atrophie musculaire
Si vous vous rappelez de la partie anatomique, je vous ai dit que le TRH contrôle entre autres, les fonctions neuromusculaires. Avec moins de TRH dans le corps, les muscles sont donc directement impactés. MAIS une autre hypothèse est aussi que le métabolisme des protéines se fait moins bien. De ce fait, les muscles n’arrivent plus à s’entretenir et à se développer.
La fourbure
Alors là, les chercheurs n’arrivent vraiment pas à comprendre le lien entre la fourbure et Cushing. Il semblerait que les chevaux atteints de Cushing aient 4,7 fois plus de risque de déclencher une fourbure. En revanche, il y a de nombreuses études contradictoires. Notamment une étude qui a testé des chevaux fourbus pour Cushing. Dans leur panel, il y avait plus de chevaux fourbus n’ayant pas Cushing qu’ayant Cushing (Ireland et al, 2012).
Perte de poids
Un signe clinique sur lequel il ne faut pas trop se baser. En effet, suivant les études, une perte de poids pourrait se retrouver entre 5 et 88% de la population des chevaux atteints de Cushing. Certains chevaux obèses peuvent également être atteints de la maladie de Cushing.
Baisse immunitaire
Il semblerait que les chevaux atteints de Cushing soient plus sujets à attraper des infections passagères. Des chercheurs ont en effet mis en avant que dans 35% des cas, ils tombaient malades, contre 11% des cas pour des chevaux sains (MacFarlane et al, 2011). Chez les souris et l’humain, la production de neutrophiles est réduite lors de maladie endocrinienne similaire à Cushing. Les chevaux atteints de Cushing semblent également avoir un taux plus bas de lymphocytes (globules blancs).
Il faut également garder en tête que les chevaux atteints de Cushing sont souvent âgés. Avec l’âge, les fonctions immunitaires diminuent également. Il semblerait que cette baisse immunitaire joue également un rôle sur l’infestation parasitaire. En effet, les chevaux atteints de Cushing ont des taux de nombre d’œufs plus élevé dans les coproscopies que les chevaux du même âge sans Cushing. La bonne nouvelle, tout de même, c’est qu’une étude récente (Nielsen et al, 2023) n’a observé aucune différence sur l’efficacité de l’Ivermectine sur des chevaux atteints de Cushing, comparé à des chevaux sains. 8 semaines après le vermifuge, les chevaux atteints de Cushing n’étaient pas non plus, plus infestés que les chevaux sains.
Polyurie et/ou Polydipsie
La polyurie est le fait d’uriner une large quantité d’urine d’un coup. Cette urine est également de couleur très claire car elle est diluée. Cela est en général lié à la polydipsie. La polydipsie est le fait de boire de grandes quantités d’eau ou d’avoir une sensation de soif fréquente. Il semblerait que ces signes cliniques soient présents pour 31 % des chevaux atteints de Cushing (Ireland et al, 2018). En revanche, les scientifiques pensent que ces chiffres sont faussés. En effet, il est très compliqué de déterminer exactement l’eau ingérée par le cheval ainsi que la quantité qu’il urine. Pour le moment, les causes de la polyurie ne sont pas encore claires. Les chercheurs ont émis l’hypothèse que la tumeur sur le pars intermedia vient comprimer le pars nervosa qui est responsable de la sécrétion anti-diurétique mais cette hypothèse n’a pas été vérifiée.
Hyperhidrose et anhidrose
L’hyperhidrose est une transpiration excessive. Il semblerait que dans le cas de Cushing, cela soit lié au taux élevé d’ACTH. L’anhidrose est à l’inverse, lorsque le cheval ne transpire plus du tout. Cela arriverait après l’hyperhidrose. En effet, les glandes sudoripares seraient exténuées à force de trop transpirer et ne fonctionneraient plus.
Dégénérescence du ligament suspenseur du boulet
Les scientifiques ont trouvé que les chevaux atteints de Cushing sont plus à risque de souffrir de desmite du suspenseur du boulet. En effet, lors de Cushing, les fibres de collagène présentes dans le ligament se désorganisent, il y a des hémorragies intra ligamentaire, ainsi qu’une accumulation de protéoglycanes. Les protéoglycanes sont des molécules de protéines + glucose qui joue un rôle primordial dans la structure ligamentaire. Encore une fois, les chercheurs ne comprennent pas trop comment Cushing engendre cela, mais il pense que c’est lié au fait que le taux élevé d’ACTH vient dérégler la production de cortisol (à cause de l’ACTH inactif).
Ostéoporose et syndrome de Cushing
En 2023, Colbath et al, ont étudié la densité minérale de cadavres de chevaux atteints de Cushing et de chevaux sans Cushing « contrôles ». Ils ont analysé la densité minérale du Métacarpe 3 (MTC3) qu’on appelle communément le canon, ils ont également analysé la zone lombaire. Ils ont trouvé que la densité minérale était significativement plus faible pour les 3ème, 4ème et 5ème lombaires chez les chevaux atteints de Cushing. Il n’y avait pas de différence pour le MTC 3. Les chercheurs pensent donc que sur les os « porteurs » qui sont donc stimulés, il n’y a pas de déminéralisation. En revanche, sur les os non-porteurs de chevaux atteints de Cushing, une déminéralisation est possible et cela peut même engendrer des fractures.
Signes Neurologiques
Dans les cas graves, ou la tumeur, serait vraiment grosse, il se pourrait que les chevaux atteints de Cushing présentent des signes neurologiques. En revanche, pour le moment, ce terrain reste encore peu investigué.
Diagnostiquer le syndrome de Cushing
Pour diagnostiquer le syndrome de cushing, votre vétérinaire se basera déjà sur les signes cliniques. En fonction des signes présents, il pourra effectuer des tests différents. Voici les deux tests les plus pratiqués en France :
1. Sur les chevaux qui semblent déjà à un stade avancé : test du taux d’ACTH
2. Sur les chevaux à un stade précoce : test de stimulation à la TRH
Je vous parlerai ensuite de deux autres méthodes.
Taux d’ACTH
Dans le cas où votre vétérinaire serait presque certain que votre cheval a Cushing, il réalisera une prise de sang afin de mesurer le taux d’ACTH. Il y a de nombreux facteurs qui peuvent influencer le taux d’ACTH dans le corps et les connaître est primordial. En effet, si vous n’en tenez pas compte, vous pourrez avoir un faux positif !