
L’infestation parasitaire est un problème de plus en plus récurrent chez les chevaux. La cause principale ? La résistance des vers envers les vermifuges. Mais ce n’est pas la seule raison ! De plus en plus de propriétaires vermifugent « naturellement ». Or, à ce jour, aucun vermifuge naturel n’a fait ses preuves comme étant efficace. Ce qui veut dire que bien souvent, vous pensez avoir vermifugé votre cheval alors que cela n’a probablement eu aucun effet. D’ailleurs, un vermifuge naturel peut être tout aussi néfaste pour la planète et votre cheval qu’un vermifuge chimique et ça, Hélène vous en parle juste ici.
La coproscopie
Une bonne nouvelle tout de même, c’est que de plus en plus de propriétaires et écuries réalisent des coproscopies. Cela consiste à envoyer un échantillon de crottin à un laboratoire afin de faire un calcul des œufs de vers. Mais attention ! Pour être la plus précise possible, dans l’idéal, il faut attraper l’échantillon de crottin au vol, avant que celui-ci ne touche le sol ; mais surtout, répéter l’action sur 3 jours consécutifs afin d’avoir un échantillon varié. En effet, les vers et leurs œufs ne sont pas excrétés tout le temps. Donc si vous ne prélevez qu’un seul échantillon, vous risquez de fausser les résultats. Notez aussi que tous les vers ne peuvent pas être observés via une copro. En effet, les œufs de strongles, ascaris et strongyloïdes pourront être vus alors que le ténia, bien souvent, ne ressortira pas. Une coproscopie coûtera entre 20 et 35e suivants les laboratoires.
Que faire suivant les résultats d’une coproscopie ?
Si la copro revient positive, le laboratoire ou votre vétérinaire vous conseillera le vermifuge adapté en fonction des oeufs/ vers trouvés.
Si la copro revient négative, vous aurez bien souvent besoin de ne rien faire, MAIS n’oubliez pas qu’il est tout de même conseillé de faire 2 vermifuges chimiques par an. En effet, comme le ténia n’est pas toujours visible lors dune copro ou que la période où vous avez prélevé le crottin n’était pas forcément une période d’excrétion, il est toujours conseillé de vermifuger au moins deux fois par an chimiquement.
Pourquoi vouloir réduire l’infestation parasitaire ?
Chez le cheval, les vers peuvent créer de nombreux problèmes de santé, voir la mort de celui-ci. Ulcères gastriques, coliques, troubles respiratoires, perte de poids, anémie, fièvre et baisse de forme, une infestation parasitaire n’est pas à négliger. Il est donc important d’avoir un suivi de vermifugation régulier et d’essayer de réduire au maximum l’infestation.
En revanche, vouloir la réduire à tout prix sans tenir compte des répercussions n’est pas non plus la solution. Auparavant, il était conseillé de vermifuger 4 fois par an TOUS les chevaux. Un des problèmes rencontrés est qu’une résistance à certaines molécules s’est créée. Cela signifie que les vers n’y sont plus réactifs et que vermifuger devient donc inutile. De plus, sur des chevaux sains (non infestés), il a été prouvé que donner un vermifuge chimique pouvait déséquilibrer la flore intestinale. Bien que cela varie d’un cheval à l’autre, c’est tout de même un paramètre à prendre en compte. J’ai noté « vermifuge chimique », car à ce jour, nous n’avons pas d’études réelles sur la flore et les vermifuges naturels. Bien qu’il ait été prouvé que donner de la curcumine, extraite du curcuma (qui est bien souvent un composant des vermifuges naturels) déséquilibre aussi la flore intestinale.
Vous l’aurez compris, vermifuger son cheval n’est pas une mince affaire. Je vous conseille d’ailleurs grandement d’écouter les podcasts du Dr Clementine Le Boscond sur les vermifuges. Ils vous aideront à vous y retrouver et à comprendre comment vermifuger votre cheval intelligemment. D’ailleurs vous pouvez également retrouver le replay de son webinaire sur les droits et les obligations des vétérinaires juste ici.
Mais, venons-en maintenant au vif du sujet !
L’alimentation peut-elle moduler l’infestation parasitaire ?
Dans cet article je vous présente deux études. La première a testé une alimentation à base de sainfoin. La deuxième a testé une alimentation à base de chicorée.
Le sainfoin
Une étude de 2023 (Laroche et al.), menée en France a voulu vérifier si certaines pratiques alimentaires pouvaient permettre de réduire l’infestation parasitaire. Les raisonnements derrière cette étude sont les suivants :
- La flore intestinale permet d’avoir un environnement sain dans le système digestif et joue un rôle primordial dans la réponse immunitaire. Donc en ayant une flore intestinale de qualité, on renforce l’immunité et le cheval pourrait combattre les infestations parasitaires seul. En effet, avec une flore en bonne santé, il pourrait excréter les vers avant que ceux-ci ne se reproduisent au sein de son système digestif.
- Chez d’autres espèces, les polyphénols (une molécule présente en plus ou moins grande quantité dans les plantes) ont prouvé avoir des vertus antiparasitaires.
- Une étude de 2022 (Grimm et al.) a trouvé qu’en donnant du Sainfoin (plante naturellement riche en polyphénols), les larves de vers étaient beaucoup moins mobiles. Une hypothèse est donc apparue : si les larves sont moins mobiles, elles ne peuvent pas se reproduire autant, on pourrait donc réduire l’infestation.
- De plus, d’autres études in vitro (en labo) ou sur d’autres espèces ont également trouvé que les polyphénols renforçaient la muqueuses intestinales et le système immunitaire intestinale.
Basée sur tous ces paramètres, ils ont donc mené une nouvelle recherche.
Comment ont-ils mené l’étude ?
- 12 trotteurs français infestés naturellement par des strongles 11 d’entre eux ont été vermifugés 7 mois avant l’étude et un a été vermifugé un an avant l’étude
- Pendant l’étude, les chevaux avaient ce mode de vie :
- Box 13,3m2 où ils passaient la majorité de leur temps
- Marcheur circulaire 1h par jour
- 4,5h de paddock sur pâturé par jour. (Le surpâturage était volontaire afin de s’assurer de l’infestation pour l’étude)
- Les chevaux étaient surveillés tous les jours afin de s’assurer que leur infestation aux vers restait « confortable ».
Le protocole suivi :
- Les chevaux étaient divisés en 4 groupes de 3
- Ils ont tous eu à tour de rôle, 4 « traitements alimentaires » différents pendant 21j
- Alimentation riche en fibre (foin) + granulés de sainfoin riche en polyphénols
- Alimentation riche en fibre (foin) + granulés de foin et de tournesol
- Alimentation riche en amidon (avoine + orge) + granulés de sainfoin riche en polyphénols
- Alimentation riche en amidon (avoine + orge) + granulés de foin et de tournesol
Malheureusement, les doses de chaque aliment ne sont pas précisées. Entre chaque protocole, les chevaux avaient une période de « repos » de 21 j ou ils n’étaient nourris qu’avec du foin. Un prélèvement de crottin pour la copro était réalisée au début de chaque traitement puis une fois par semaine.
Ce qu’ils ont trouvé ?
Le nombre d’œufs trouvé dans les crottins :
- N’a pas changé pour les chevaux recevant l’alimentation riche en fibre avec ou sans sainfoin
- A significativement augmenté pour les chevaux recevant l’alimentation riche en amidon
- Cette augmentation était encore plus élevée lorsque les chevaux ne recevaient pas de sainfoin en plus.
La mobilité des larves :
Comme vu sur le schéma, pas de différence significative entre les protocoles, même si les chevaux recevant le sainfoin avaient des larves moins mobiles.

Le pH fécal
Lors du changement d’alimentation entre J0 et J7, le pH fécal est devenu plus acide pour tous les traitements. Cela est probablement lié aux changements alimentaires et à la flore intestinale qui avait besoin de s’adapter. Le pH des chevaux nourris avec une ration riche en amidon avec ou sans sainfoin est en revanche resté acide de J7 à J21, alors que le pH des chevaux nourris avec une ration riche en fibre avec ou sans sainfoin est retourné à sa valeur d’origine entre J7 à J21.
Conclusion de cette étude
Les chevaux nourris avec une ration riche en amidon excrètent plus de vers que les chevaux nourris avec une ration riche en fibre. Lorsque du Sainfoin est ajouté à cette ration riche en amidon, alors l’excrétion des vers diminue, mais reste supérieure à l’excrétion des chevaux ayant une ration riche en fibre. L’ajout de Sainfoin à une ration riche en amidon permet d’avoir une mobilité réduite des larves, ce qui pourrait limiter leur reproduction. L’ajout de Sainfoin à une ration déjà riche en fibre n’a aucun impact sur l’excrétion de vers. Une ration riche en amidon déséquilibre la flore intestinale et engendre une acidose fécale. Lors de cette étude, les chercheurs n’ont pas pu faire de lien entre l’ajout de Sainfoin et une meilleure réponse immunitaire du cheval.
Deuxième étude : La chicorée
La chicorée fourragère (Cichorium intybus, cultivar Puna II) est connue pour contenir des composés anthelminthiques et pourrait aider à contrôler les petits strongles chez les chevaux en pâturage. Pour tester cette hypothèse, Malsa et ses collègues ont mesuré le nombre d’œufs dans les crottins et le taux de développement des larves chez 20 jeunes chevaux (âgés de 2 ans) naturellement infectés, pâturant soit un pré semé de chicorée fourragère (n = 10) ou un pré de graminées mésophiles (n = 10). La période de pâturage a duré 45 jours pour éviter toute réinfection des chevaux.
Ce qu’ils ont trouvé
Les chevaux du groupe chicorée fourragère ont principalement consommé de la chicorée fourragère (89 % des bouchées), tandis que ceux du groupe témoin ont principalement consommé des graminées (73 %).
L’excrétion des œufs de petits strongles a diminué dans les deux groupes tout au long de l’étude. En tenant compte de cette tendance, la réduction du nombre d’œufs dans les crottins chez les chevaux pâturant de la chicorée fourragère par rapport à ceux du groupe témoin a augmenté de 72,9 % au jour 16 à 85,5 % à la fin de l’étude. De plus, le développement des larves dans les crottins des chevaux pâturant de la chicorée fourragère a réduit de plus de 60 % à partir du jour 31, par rapport aux chevaux du groupe témoin. Les chercheurs ont également observé une diminution significative de l’abondance des espèces de petits strongles chez les chevaux pâturant de la chicorée fourragère.
Études:
Noémie Laroche, Pauline Grimm, Samy Julliand, Gabriele Sorci (2023). Diet modulates strongyle infection and microbiota in the large intestine of horses
Lyons, E.T., & Tolliver, S.C. (2013). Further indication of lowered activity of ivermectin on immature small strongyles in the intestinal lumen of horses on a farm in Central Kentucky.
Lumaret, J.P., Errouissi, F., Floate, K., Rombke, J., Wardhaugh, K. (2012). A review on the toxicity and non-target effects of macrocyclic lactones in terrestrial and aquatic environments.
Kunz, I.G.Z., Reed, K.J., Metcalf, J.L., Hassel, D.M., Coleman, R.J., Hess, T.M., et al. (2019). Equine fecal microbiota changes associated with anthelmintic administration.
Moon, C.D., Carvalho, L., Kirk, M.R., McCulloch, A.F., Kittelmann, S., Young, W., et al. (2021). Effects of long-acting, broad spectrum anthelmintic treatments on the rumen microbial community compositions of grazing sheep.
Grimm, P., Laroche, N., Julliand, S., & Sorci, G. (2022). Inclusion of sainfoin in the diet might alter strongyle infection in naturally infected horses.
Malsa, J., Boudesocque-Delaye, L., Wimel, L., Auclair-Ronzaud, J., Dumont, B., Mach, N., Reigner, F., Guégnard, F., Chereau, A., Serreau, D., Théry-Koné, I., Sallé, G., & Fleurance, G. (2024). Chicory (Cichorium intybus) reduces cyathostomin egg excretion and larval development in grazing horses.